lundi 3 novembre 2008

Lettre d'amour

Hasard d’un déménagement, j’ai retrouvé, après trois ans, la pochette en carton contenant les lettres et les photos de l’amour de mes 20 ans. Assis à même le sol, j’ouvre délicatement la pochette. La première feuille est une lettre d’amour. A sa lecture, mon esprit plonge dans mes souvenirs.
Cœurs séparés par les études, l’un à la Rochelle, l’autre à Paris, l’écriture permettait d'attiser le brasier de notre amour mutuel que la pluie de la distance éteignait. Mon esprit vagabonde au préambule de notre couple, quand on vivait à 50 mètres l’un de l’autre, à la fin de mes années de classe préparatoire. Ah, la découverte du plaisir de la sexualité! Nos corps s’entendaient à merveille et ma jeunesse volcanisait nos ébats en de nombreuses éruptions. Pour se venger de ce bruit nocturne, mon voisin allumait la télévision avec le volume au maximum à quatre heures du matin, son voisin, un garçon de sa classe, nous avait fait une réputation de débauchés dans toute la classe préparatoire, vincent le queutard ! Je repense à mes premières années d’études supérieures à Poitiers. Il y avait des nuages de temps en temps mais mes amis soufflaient dessus en me proposant un petit caps ou un petit calumet de la paix que je ne refusais jamais. Ah, les soirées chez mes potes de la fac ! Il y avait toujours plein de filles. Un peu timide, je n’osais pas les aborder et, pourtant avec certaines, nos regards s’étaient déjà échangés dans la rue. C’est la magie des petites villes : les regards sont promesses d’avenir. Ah, les soirées dans la boite de nuit le Tisonnier ! On n’attendait pas plus de 10 minutes pour rentrer à l’intérieur. Jamais refoulés et pourtant il y avait toujours plusieurs grammes d’alcool dans nos bras. Sous le son de la ruda salska, de noir désir, …, ma danse, frénétique et désarticulée, faisait perler de grosses gouttes de transpiration sur mon front. Je souris. C’était le temps de l’insouciance.
Sur ces pas de danse, j’ouvre les yeux et ferme la pochette. Il ne faut pas trop se brûler avec la nostalgie. Cette jeunesse, un peu "Born to be alive", a eu des conséquences sur mes résultats au concours m'empêchant d'intégrer les grandes écoles d’ingénieurs: Central, Mines, Polytechnique,…, m'assurant un bel avenir de carrière en France. J’ai eu longtemps des regrets de ne pas avoir plus taupiné (travaillé) cependant, aujourd’hui, j'ai la chance de me lever chaque matin pour un travail qui me passionne. Cette passion occupe mes journées et mes nuits m'empéchant la semaine de vivre autre chose que mon travail. K est partie un peu à cause de ça mais, être adulte, c'est savoir:
- qu'avoir une passion est rare,
- que ne pas la vivre remplit la vie de regrets,
- que, pour pouvoir la vivre, il faut en payer le prix.
Je me rends compte que la lecture d’une lettre peut offrir bien plus qu’un simple souvenir fugace, le temporel s’est étiré sur la période de mes premières années d’études, bien plus que revivre un moment, cette lettre m’a enlevé les regrets d'avoir échoué aux concours: j'ai profité de ma jeunesse avant de vivre de ma passion.
Soudain, une terrible constatation m’envahit. Dans les cartons de déménagement, il n’y aucune pochette contenant les lettres, les photos de mon couple avec K correspondant à ma période de thèse. Oui, j’ai des mails et des photos sur mon PC mais ce n’est que du numérique. Je ne pourrai jamais refaire un voyage similaire à celui que je viens de faire. Une lettre est une piste de décollage car elle contient bien plus que des mots : la sémantique a été longuement réfléchie, la calligraphie est un reflet de la personnalité et le support papier apporte le toucher.

Ce texte est une plaidoirie des lettres d'amour qui sont en voie de disparition. J'ai insisté sur l'apport de leurs relectures après de longues années mais, en réalité, l'essentiel n'est pas là. Il est dans la magie de recevoir et d'envoyer une lettre d'amour quand deux coeurs battent à l'unisson. Il faut vivre dans son époque mais j'espère que les lettres d'amour ne mourront pas.

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