vendredi 7 novembre 2008

killer TV

Il est 17 heures. La sonnerie de la fin des cours retentit. Les élèves se jettent dehors pour échapper à l'emprisonnement. Je voudrais rester assis, mais je n'ai pas d'autres choix que de prendre mon sac et de sortir de la classe. Mes pieds traînent sur le sol pour freiner le temps. Je sors du collège avec une boule dans l'estomac. La peur rive mes yeux sur le trottoir et mon pas, rapide, colle le mur. Mon coeur frappe. Le temps s'allonge lors du parcours de ces 100 mètres. Mon coeur bondit. J'entends des voix au loin venir à ma rencontre. Elles se rapprochent. Les voitures sont soudainement devenues muettes.
-Yep! Coup de savate et boum à terre le batard. Et regardez qui va là !
Ils sont quatre. Le plus grand me barre la route, puis le plus petit me bouscule d’un coup de poing à l’épaule et m’alpague :
-Alors, cousin! On trace sa route sans nous dire bonjour. Tu te prends pour un caïd ou quoi?
D'une frêle voix, je lui réponds:
-Non
Il me chope par le colback et amène ma tête contre son oreille. Il dit d'un ton agressif:
-Plus fort, je n'entends rien.
-Non.
-Ah, ouais, non. Tu te prends pour qui alors?
Son étreinte sur mon col m'étouffe empêchant mes mots de sortir. Sa voix énervée lance:
- bouffon, tu réponds aux questions! Tu nous manques de respect, là!
Il me colle contre le mur et m'assène un coup de poing dans le ventre. Je me plie en deux. Il me relève par le col.
-Alors, la réponse!
En larmes, mes paroles sont saccadées:
-Poupoupour, personne...
Sa main me lâche pour me porter quelques bafettes.
-Allez, on a assez traîné avec ce bouffon. On se taille.
Je reste tétanisé un long moment. Mon coude sèche mes larmes. Je reprends le chemin de chez moi. Après être rentré dans l'appartement, je vois ma mère préparer la cuisine en regardant la télé. Invisible, elle ne voit pas. Je me réfugie dans ma chambre et laisse glisser mon sac par terre. Je m'écroule dans mon lit. Je n'en peux plus. Depuis plus d'un an, je suis leur souffre douleur. Au début, c'était une série de petites humiliations: insultes, crachats, balancer mes affaires par terre,... puis ils ont commencé à inventer des prétextes pour me taper. Maintenant, il ne se passe pas une semaine sans coups. Je n'en peux plus. J'entends ma mère crier à table. Cinq minutes s'écoulent avant que je décide à me lever. Je rejoins mon père et ma mère à table. Leurs yeux sont rivés sur la télévision. L'envie d'extérioriser mon tourment quotidien m'envahit. J'attends la fin d'un reportage du 20 heures de TF1 pour tout dévoiler à ma famille. La présentatrice finit par:
- (...) poser un préavis de grève pour mardi prochain.
-Papa
Mon père tourne sa tête vers moi.
-Oui
-Bah, au collège - la voix de la présentatrice couvre ma voix. Elle commence un reportage sur l'intervention de Sarkozy face à la crise financière- , quand je rentre à la maison. Il y a que, bon bah, tu vois.
Soudain, ma mère me coupe en commentant le reportage:
-Ouais, travailler plus pour gagner plus, merci sarko mais c'est pas pour tout le monde. Les financiers se font des milliards et nous, on trime à longueur de journée pour des clopinettes.
Mon père se retourne vers la télévision et y va aussi de son commentaire:
-Et en plus, quand tout faut le camp, il faudrait les plaindre(...)
Ma solitude tombe sur mon plat de pâtes.

Il est minuit. Debout sur le rebord de la fenêtre, je contemple la beauté du vide de 7 étages. Je me transforme en oiseau au moment de mon dernier vol.

1 commentaire:

Vinchaud a dit…

Ma famille m'appelait VTTB (Vincent Tariel Télé Bazar) quand j'étais petit. Je suis goulu du petit écran. Vu la qualité des programmes, je n'ai jamais eu de télé depuis que je n’habite plus chez mes parents. Je préfère utiliser mon temps libre à vaquer à d’autres occupations bien plus fructifiant, par exemple écrire. Etant tolérant, mon avis personnel sur l’usage de son temps libre n’est pas partagé par tout le monde, je n’ai pas le souhait d’interdire la télévision.

Ce texte a juste l’intention d’avertir les (futur-)parents que le repas est un moment privilégié pour communiquer avec ses enfants qui est bruiter si la télévision est allumée.