lundi 17 novembre 2008

La vague

Sur mon frêle esquif, ballotté par les flots,
Je scrute le large dans l'attente que l'océan
Propage une onde plus haute qu'un géant;
Qui coupe l'horizon, qui élève les eaux.

Le soleil se couche emportant mes espoirs.
Sur cette mer d'huile, mon regard d'au revoir
S'écarquille soudain. De droite à gauche,
Une vague immense, galope, approche.

Je fuse au large pour être au peak
Vite se retourner, la barre me gagne
Mes biceps pagaillent pour lancer ma coque
A la folle allure de cette licorne.

Mes bras poussent le surf d'un coup de courage
Et mes pieds se posent debout sur ce vide.
Dévalant la pente, la chute est rapide.
Mon corps s'incline pour lancer le virage.

Mes mains effleurent l'eau et ralentit mon vol.
Dans un tube parfait, sa lèvre m'enroule.
Dans cette cathédrale, la seconde se suspend
Jamais été aussi vivant qu'a cet instant.

mercredi 12 novembre 2008

L'enfant sans coeur

Il était une fois un monde plat reposant sur une gigantesque tortue galactique nageant dans l'espace. Ce monde plat est un océan parsemé de petites îles. Ces îles sont les carapaces de bébés tortues, minuscules quand on imagine la taille de la tortue galactique, immenses comparées aux tortues de notre terre. Les île tortues nagent au gré des vents et des courants et restent toujours à la surface de l'eau. Au fur et à mesure des saisons, la vie se développent sur les carapaces. Les oiseaux apportent des graines qui donneront des cocotiers et des coraux s'échouent sur le rivage qui formera la plage. Une nuit par an, quand la lune se couche sur l'horizon, les étoiles filantes tombent du ciel sur les îles tortues dont les cocotiers ont leur première noix de coco. A l'intérieur de chaque étoile filante, il y a un enfant. A partir de cette nuit, l'enfant et la tortue vivent en symbiose: la tortue se nourrit des rêves de l'enfant et l'enfant se nourrit des fruits et des poissons abondant sur l'île tortue. Après de nombreuses saisons, l'enfant cesse toujours de rêver pour devenir un adulte. Alors, sans nourriture, la tortue s'immobilise puis, après un temps, elle meurt en sombrant dans les abysses de l'océan. Il y a une prophétie qui dit qu'un jour un enfant devenu adulte se mettra à rêver les yeux ouverts. Alors la bébé tortue deviendra elle aussi une adulte. Elle nagera à toute allure vers le bord de l'océan, s'envolera dans l'espace et deviendra une gigantesque tortue galactique. Hasard des courants, il arrive aussi que deux bébés tortues se croisent et se mettent à nager l'une à côte l'autre. Un instant magique se produit: la rencontre entre les deux enfants, l'une fille et l'autre garçon venant chacun de leur île. Notre histoire commence le jour où la couleur du ciel bleu azur s'est assombrie. Deux tortues, collées l'une à l'autre depuis de nombreuses saisons, se sont séparées car l'enfant fille a pris la décision de voguer sur d’autres eaux. Malheureusement, lors de la séparation, le cœur de l'enfant garçon est resté sur l'île de l'enfant fille. Voici le conte de l'enfant sans cœur.

Plouf, plouf, il a plu des larmes toute la nuit. Le ruissellement de l'eau a formé des sillons sur la plage emportant des innocentes brindilles. La lumière, diffusant à travers les épais nuages, remplit le ciel d'un triste gris. L'enfant sans cœur ouvre ses yeux fatigués. Toute la nuit, ses rêves ont été soufflés par l'horrible réalité: l'enfant fille est partie avec son cœur. Sa tortue ne pourra pas encore se nourrir de ses rêves aujourd'hui. D'un pas lent, il se dirige jusqu'à la bordure de la mer et s'accroupit sur le sable. Les moments vécus avec l'enfant fille sont comme les vagues de la mer. Inlassablement, elles s'écrasent sur la plage de son esprit. La tête baissée, il sanglote. L'absence de son cœur le fait souffrir. Soudain, il sent une main se poser sur son épaule. Il se retourne brusquement en s'imaginant le retour de l'enfant fille mais il n'aperçoit rien. Il regarde dans toutes les directions mais personne. Il se lève et parcoure de long en large sa petite île dans une course frénétique. Après un long moment de recherche infructueuse, il s'écroule sur le sable désespéré d'avoir cru au retour de l'enfant fille. Cette cruelle désillusion provoque la rupture du barrage. Ses larmes inondent son visage. Il entend alors:
-Pourquoi, pleures-tu?
De nouveau, il se retourne et regarde dans toutes les directions mais toujours rien. Il crie:
-Qui es-tu?
Une douce voix venant de nulle part, lui répond:
-Je m'appelle lune et je suis un fantôme.
L'enfant sans cœur dit:
-Quel joli prénom, lune! C'est quoi un fantôme?
-Un fantôme est un être qui peut te toucher, te voir, te sentir mais qu'un enfant ne peut ni toucher, ni voir, ni sentir.
L'enfant sans cœur se dit que ce n'est pas plus mal car tout son environnement lui semble irritant, gris et indolore. Le sel de la mer le gratte. Les nuages sont de tristes grimaces. Son nez bouché renifle. Une mélancolie file sa toile dans son esprit de souvenirs tissés de sa simple relation avec la nature, être roulé dans les vagues, se lever tôt la matin avec l'odeur de la rosée, espérer l'arc en ciel quand le soleil et la pluie jouent ensemble. L'enfant sans coeur entend alors:
-As-tu une passion?
-Auparavant, ma passion était de dénombrer le nombre de grains de sable sur cette plage.
-C'est impossible. Il y a trop de grain de sable.
-Oui, si tu comptes grain après grain mais possible si tu comprends la morphogenèse des grains de sable.
-C'est quoi la morphogenèse?
-La morphogenèse consiste à comprendre le processus de formation des grains de sable et j'aurais pu donc dénombrer directement le nombre de grain de sable. J'étais à un grain d'y arriver mais aujourd’hui je n'ai plus d'envie.
-Oh, la, la, c'est compliqué ta passion!
-Oh, oui! J'y passé mes jours et mes nuits.
-Ah, bon! Mais alors, quand jouais-tu avec l'enfant fille?
-Lorsque ma fatigue était grande comme un océan, j'allais me blottir sur sa douce épaule. Mon cœur lui appartient. As-tu un cœur lune?
Un nuage passe devant le soleil et pas un mot de Lune Le visage de l'enfant sans couer se contracte et il s'écrie:
-Pourquoi ne réponds-tu pas? Le sablier du temps s'écoule.
Une brise relevée cabriole ses cheveux sur leurs pointes. Son visage s'empourpre d'une couleur rouge. Il crie:
-Si tu ne dis rien alors va-t-en!
Une triste petite voix lui répond:
-Es-tu toujours aussi impatient? Je vous imaginais blottis l'un contre l'autre formant un beau cocon. Tu as brisé ce songe. Souffles-tu tout le temps les rêves des autres?
L'enfant sans cœur ne répond pas; il réfléchit. Il se remémore les instants passés avec l'enfant fille. Elle était souvent dans les nuages. Voulant jouer, rigoler, danser avec elle, il la ramenait souvent sur terre lorsqu'elle rêvassait. D'une voix tremblante, il pose cette question:
-Quand on est dans le pays de l'imaginaire, aime-t-on revenir sur l'île tortue pour s'amuser?
Lune répond d'une voix mélancolique:
- Regarde le ciel.
Il lève les yeux et lune dit:
-Lorsque tu es dans les nuages, tu flottes doucement dans des couvertures de coton. Dans cette apesanteur, ton corps est léger, loin de tous les soucis. A l'instant, tu m'as forcé à quitter ce monde merveilleux. Je suis triste maintenant.
De nombreux souvenirs remontent à la surface. Tant de fois, il a brisé les songes de l'enfant fille en la poussant à vivre des moments avec lui. Elle souffrait à chaque fois et elle le lui cachait. Un rayon de soleil traverse la larme formée au coin de son œil et l'éblouit. Il cligne des yeux. La larme perle le long de son visage et se perd dans les grains de sable. Il entend:
-Je vais partir.
La tête baissée, il chuchote d'une triste voix:
-Tu reviens demain?
-Le vent m'emporte d'île en île.
L'enfant sans cœur espère très fort que la mer soit d'huile n'apportant pas la moindre brise. La nuit tombe sur la planète tortue noircissant le ciel. Dans chaque île, une luciole se réveille et s'envole pour rejoindre un point près précis illuminant le ciel d'étoiles. L'enfant sans cœur fixe la luciole de l'enfant fille. Il aimerait tant que quelque part, perdue dans l'océan, l'enfant fille regarde elle aussi sa luciole. Les paroles de lune ressurgissent: « tu m'as forcé à quitter ce monde merveilleux. Je suis triste maintenant. ». Il se pose alors cette question: Combien de fois, ai-je tiré l'enfant fille des nuages? Il se met à compter les lucioles: une luciole pour une fois. Juste avant que la nuit se couche, il finit de compter: il y a autant de lucioles dans le ciel que de fois où il l'a tiré des nuages. Il comprend alors que l'enfant fille a elle-aussi compté les lucioles. A chaque souffrance, elle ajoutait une luciole. A la dernière luciole du ciel, elle est partie emportant son cœur. Un nouveau sentiment l'envahit le regret.
Le jour se lève. Aucun rêve n'a galopé dans son sommeil et sa tortue se meurt. Elle commence à s'enfoncer dans l'océan. Assis sur sa tête, l'enfant sans cœur sent son insouciance s'envoler. Il devient adulte. La petite voix de lune dit:
-Ferme les yeux et ma lumière t'accompagnera dans le nouveau monde de l'adulte.
Au moment ou ses paupières se ferment, sa luciole s'envole. Au creux de son oreille, il entend ses battement d'ailes. Enchanté par cette mélodie, son imagination rêve d'une monde merveilleux où, aveugle, il chanterait à tue-tête et écouterait le rebond de son chant sur les objets l'entourant pour en appréhender l'espace. De plus, bien souvent, il n'aurait même pas besoin de faire cet effort car c'est la nature, cigales, oiseaux, les souris, qui chanterait en retour pour le guider. Soudain, son île tremble. Enfin nourri, sa tortue sort de sa léthargie et se met à nager à toute allure vers le bord de l'océan. L'enfant sans coeur contemple l'horizon défilé et rêve les yeux ouverts. Arrive au bord de l'océan, sa tortue s'envole dans l'espace et se transforme en tortue galactique. Voici conter l'histoire de l'enfant sans cœur qui devint enfant-adulte.

vendredi 7 novembre 2008

killer TV

Il est 17 heures. La sonnerie de la fin des cours retentit. Les élèves se jettent dehors pour échapper à l'emprisonnement. Je voudrais rester assis, mais je n'ai pas d'autres choix que de prendre mon sac et de sortir de la classe. Mes pieds traînent sur le sol pour freiner le temps. Je sors du collège avec une boule dans l'estomac. La peur rive mes yeux sur le trottoir et mon pas, rapide, colle le mur. Mon coeur frappe. Le temps s'allonge lors du parcours de ces 100 mètres. Mon coeur bondit. J'entends des voix au loin venir à ma rencontre. Elles se rapprochent. Les voitures sont soudainement devenues muettes.
-Yep! Coup de savate et boum à terre le batard. Et regardez qui va là !
Ils sont quatre. Le plus grand me barre la route, puis le plus petit me bouscule d’un coup de poing à l’épaule et m’alpague :
-Alors, cousin! On trace sa route sans nous dire bonjour. Tu te prends pour un caïd ou quoi?
D'une frêle voix, je lui réponds:
-Non
Il me chope par le colback et amène ma tête contre son oreille. Il dit d'un ton agressif:
-Plus fort, je n'entends rien.
-Non.
-Ah, ouais, non. Tu te prends pour qui alors?
Son étreinte sur mon col m'étouffe empêchant mes mots de sortir. Sa voix énervée lance:
- bouffon, tu réponds aux questions! Tu nous manques de respect, là!
Il me colle contre le mur et m'assène un coup de poing dans le ventre. Je me plie en deux. Il me relève par le col.
-Alors, la réponse!
En larmes, mes paroles sont saccadées:
-Poupoupour, personne...
Sa main me lâche pour me porter quelques bafettes.
-Allez, on a assez traîné avec ce bouffon. On se taille.
Je reste tétanisé un long moment. Mon coude sèche mes larmes. Je reprends le chemin de chez moi. Après être rentré dans l'appartement, je vois ma mère préparer la cuisine en regardant la télé. Invisible, elle ne voit pas. Je me réfugie dans ma chambre et laisse glisser mon sac par terre. Je m'écroule dans mon lit. Je n'en peux plus. Depuis plus d'un an, je suis leur souffre douleur. Au début, c'était une série de petites humiliations: insultes, crachats, balancer mes affaires par terre,... puis ils ont commencé à inventer des prétextes pour me taper. Maintenant, il ne se passe pas une semaine sans coups. Je n'en peux plus. J'entends ma mère crier à table. Cinq minutes s'écoulent avant que je décide à me lever. Je rejoins mon père et ma mère à table. Leurs yeux sont rivés sur la télévision. L'envie d'extérioriser mon tourment quotidien m'envahit. J'attends la fin d'un reportage du 20 heures de TF1 pour tout dévoiler à ma famille. La présentatrice finit par:
- (...) poser un préavis de grève pour mardi prochain.
-Papa
Mon père tourne sa tête vers moi.
-Oui
-Bah, au collège - la voix de la présentatrice couvre ma voix. Elle commence un reportage sur l'intervention de Sarkozy face à la crise financière- , quand je rentre à la maison. Il y a que, bon bah, tu vois.
Soudain, ma mère me coupe en commentant le reportage:
-Ouais, travailler plus pour gagner plus, merci sarko mais c'est pas pour tout le monde. Les financiers se font des milliards et nous, on trime à longueur de journée pour des clopinettes.
Mon père se retourne vers la télévision et y va aussi de son commentaire:
-Et en plus, quand tout faut le camp, il faudrait les plaindre(...)
Ma solitude tombe sur mon plat de pâtes.

Il est minuit. Debout sur le rebord de la fenêtre, je contemple la beauté du vide de 7 étages. Je me transforme en oiseau au moment de mon dernier vol.

lundi 3 novembre 2008

Lettre d'amour

Hasard d’un déménagement, j’ai retrouvé, après trois ans, la pochette en carton contenant les lettres et les photos de l’amour de mes 20 ans. Assis à même le sol, j’ouvre délicatement la pochette. La première feuille est une lettre d’amour. A sa lecture, mon esprit plonge dans mes souvenirs.
Cœurs séparés par les études, l’un à la Rochelle, l’autre à Paris, l’écriture permettait d'attiser le brasier de notre amour mutuel que la pluie de la distance éteignait. Mon esprit vagabonde au préambule de notre couple, quand on vivait à 50 mètres l’un de l’autre, à la fin de mes années de classe préparatoire. Ah, la découverte du plaisir de la sexualité! Nos corps s’entendaient à merveille et ma jeunesse volcanisait nos ébats en de nombreuses éruptions. Pour se venger de ce bruit nocturne, mon voisin allumait la télévision avec le volume au maximum à quatre heures du matin, son voisin, un garçon de sa classe, nous avait fait une réputation de débauchés dans toute la classe préparatoire, vincent le queutard ! Je repense à mes premières années d’études supérieures à Poitiers. Il y avait des nuages de temps en temps mais mes amis soufflaient dessus en me proposant un petit caps ou un petit calumet de la paix que je ne refusais jamais. Ah, les soirées chez mes potes de la fac ! Il y avait toujours plein de filles. Un peu timide, je n’osais pas les aborder et, pourtant avec certaines, nos regards s’étaient déjà échangés dans la rue. C’est la magie des petites villes : les regards sont promesses d’avenir. Ah, les soirées dans la boite de nuit le Tisonnier ! On n’attendait pas plus de 10 minutes pour rentrer à l’intérieur. Jamais refoulés et pourtant il y avait toujours plusieurs grammes d’alcool dans nos bras. Sous le son de la ruda salska, de noir désir, …, ma danse, frénétique et désarticulée, faisait perler de grosses gouttes de transpiration sur mon front. Je souris. C’était le temps de l’insouciance.
Sur ces pas de danse, j’ouvre les yeux et ferme la pochette. Il ne faut pas trop se brûler avec la nostalgie. Cette jeunesse, un peu "Born to be alive", a eu des conséquences sur mes résultats au concours m'empêchant d'intégrer les grandes écoles d’ingénieurs: Central, Mines, Polytechnique,…, m'assurant un bel avenir de carrière en France. J’ai eu longtemps des regrets de ne pas avoir plus taupiné (travaillé) cependant, aujourd’hui, j'ai la chance de me lever chaque matin pour un travail qui me passionne. Cette passion occupe mes journées et mes nuits m'empéchant la semaine de vivre autre chose que mon travail. K est partie un peu à cause de ça mais, être adulte, c'est savoir:
- qu'avoir une passion est rare,
- que ne pas la vivre remplit la vie de regrets,
- que, pour pouvoir la vivre, il faut en payer le prix.
Je me rends compte que la lecture d’une lettre peut offrir bien plus qu’un simple souvenir fugace, le temporel s’est étiré sur la période de mes premières années d’études, bien plus que revivre un moment, cette lettre m’a enlevé les regrets d'avoir échoué aux concours: j'ai profité de ma jeunesse avant de vivre de ma passion.
Soudain, une terrible constatation m’envahit. Dans les cartons de déménagement, il n’y aucune pochette contenant les lettres, les photos de mon couple avec K correspondant à ma période de thèse. Oui, j’ai des mails et des photos sur mon PC mais ce n’est que du numérique. Je ne pourrai jamais refaire un voyage similaire à celui que je viens de faire. Une lettre est une piste de décollage car elle contient bien plus que des mots : la sémantique a été longuement réfléchie, la calligraphie est un reflet de la personnalité et le support papier apporte le toucher.

Ce texte est une plaidoirie des lettres d'amour qui sont en voie de disparition. J'ai insisté sur l'apport de leurs relectures après de longues années mais, en réalité, l'essentiel n'est pas là. Il est dans la magie de recevoir et d'envoyer une lettre d'amour quand deux coeurs battent à l'unisson. Il faut vivre dans son époque mais j'espère que les lettres d'amour ne mourront pas.